Donda, Donda, Donda… mais pas Donda (Deluxe)

Et non, non satisfait d’avoir sorti un album de presque deux heures cet été, Kanye West sort (une nouvelle fois sans prévenir) une version deluxe de Donda. Seulement trois inédits en plus, mais un énorme chantier sans queue ni tête dont on se serait bien passé.

La pratique est désormais devenue habituelle, presque anecdotique. Un artiste tease un nouvel album, annonce ce nouvel album, se lance dans la publication sur les réseaux sociaux d’une série de singles, pour enfin finir par sortir ce nouveau disque. Le tout étant très souvent accompagné d’un cycle promo avec interviews. Et puis, quelques semaines plus tard, désormais, nombreux sont les artistes mainstream à pondre ce qu’on appelle une version deluxe. Le plus souvent, des artistes hip hop qui nous présentent 6 nouveaux titres qui viennent se rajouter aux 19 précédents, dont 16 sont très probablement déjà oubliés avant d’avoir terminer l’écoute complète. Kanye West, lui, n’est en réalité pas vraiment coutumier de tout ça. Après s’être lancé dans un rollout scénique composé de trois listening parties dont lui seul à la secret, l’artiste a sorti son nouvel album par surprise, après l’avoir repoussé à maintes reprises. La promo ? Pas une seule interview pour les médias traditionnels. Pas un live. Pas une tournée. Rien. Juste un homme qui décide de déambuler dans les rues du monde entier en portant un masque ou une cagoule. Comme si, après s’être donné corps et âme pour donner vie à son art, Ye était subitement passé à autre chose après ce 29 août.

Et pourtant, ce dimanche 14 novembre, Kanye West sort Donda Deluxe. Une version qu’on savait prévue, teasé à coups de panneaux publicitaires et de plusieurs clones masqués de l’artiste aperçus dans les rues de New York. Mais alors que Ye vient de sortir son meilleur album depuis Life of Pablo et retrouve enfin un élan créatif qu’on pensait à jamais derrière lui, rallonger l’expérience de plusieurs titres s’impose-t-il ? Surtout, quand l’album s’étale déjà sur 1h48, et se termine sur quatre « part 2 » totalement dispensables. D’un point de vue marketing, l’initiative permet de redonner un coup de boost à un album sorti quelques mois auparavant. Isaiah Rashad vient d’y passer, et les maisons de disques le font même pour les artistes posthumes (Pop Smoke). Mais d’un point de vue créatif, peut-on y trouver un réel intérêt ? Le fait est que, rajouter des morceaux, initialement pas incorporés dans la tracklist de base, donne quelques indications sur la qualités de ces titres.

Le constat, c’est que ce Donda (Deluxe) est tout simplement incompréhensible. À la première vue de l’album sur les plateformes de streaming, il faut plusieurs minutes pour réellement différencier le nouveau du déjà sorti. La tracklist a été complètement mélangée. Il ne s’agit donc pas du traditionnel album d’origine plus quelques titres bonus à la fin comme font tous les artistes, mais d’une nouvelle version de Donda. Une version où les « part 2 » se mélangent et peuvent se retrouver devant leur première version, et où des corrections sont mêmes apportées à la première version de l’album. Et là, on a rapidement l’impression de se faire embrouiller comme face a un tour de bonneteau. Comme avec Life of Pablo en son temps, Kanye West donne des coups de pinceau à son oeuvre quand bon lui semble. Monsieur supprime le featuring de KayCyy, puis le rajoute à nouveau, modifie le mixe d’un titre, ajoute quelques coeurs de Tyler, The Creator sur un autre, etc. Y’a-t-il une réelle logique derrière tout ça ? Un plan, une finalité ? Probablement pas.

Le soucis, c’est que ces multiples arrangements ne bénéficient en rien à l’album. Donda, tel qu’il a été sorti le 29 août, est une réussite. Si l’on exclut ces parties 2 et ses multiples défauts, ce dixième Kanye West est un disque bourré d’idées et avec une identité forte, couplant old Kanye, sorties gospel façon Jesus Is King et influences trap modernes. Défaire ce qui a été fait ou bazarder la tracklist de cette manière ne semble pas animé par un désir d’apporter une plus-value à l’album. D’autant plus quand les nouveaux titres incorporés, comme « Up From The Ashes » et « Never Abandon Your Family » ne sont pas suffisamment forts pour justifier un tel bouleversement. Seul le featuring attendu avec Andre 3000, « Life Of The Party », justifie qu’on s’arrête sur ce Deluxe. Un peu plus de six minutes grandioses sur lesquelles Andre vole la vedette à Kanye, livrant un couplet bouleversant sur sa mère disparue. Un futur classique, se terminant sur l’extrait sonore de DMX rassurant sa fille. Mais encore une fois, Kanye West passe à côté de ce grand moment, en incorporant uniquement la version censurée du titre. À moins que l’intéressé ressorte les pinceaux, une nouvelle fois ?