Comme souvent, après un mois de janvier calme où il faut relancer le moteur, c’est un mois de février chargé qui prend la suite. Kelela, Amber Arcades, Caroline Polachek, Tennis ou encore The WAEVE au programme.
Raven – Kelela
Six ans que Kelela nous avait laissé sur la bande d’arrêt d’urgence, hagard, ne sachant dans quelle direction se tourner. Un Take Me Apart qui aura retourné 2017, et plus rien ? C’est le temps qu’il aura fallu a Kelela pour se retrouver et puiser dans cette solitude pour lâcher un disque de totale affirmation : Raven. Une odyssée R&B et club, militant pour le droit à l’errance, la lenteur et le rêve. Chaque seconde y est minutieusement taillée pour offrir ici un océan de compositions down tempo synthétiques et groovy planant autour de la voix de l’artiste. Voix hypnotique parfois simple texture flottant au gré des perturbations soniques. De « Washed Away » à « Far Away », tout y est absolument sublime. Raven est un doux voyage nocturne sans billet retour.
Barefoot On Diamond Road – Amber Arcades
Quand elle signait en 2018 son deuxième album European Heartbreak, grande réussite indie folk à l’univers captivant, on savait qu’on tenait un truc chez Amber Arcades. De son vrai nom Annelotte de Graaf, l’artiste néerlandaise n’a plus jamais quitté notre esprit depuis. Signé cette fois-ci chez Fire Records, elle nous revient enfin avec un successeur : Barefoot on Diamond Road. Et comme après Fading Lines en 2016, Amber Arcades opère un minutieux virage sur cette nouvelle production. Les mélodies nostalgiques laissent ici place à des compositions davantage dream pop et intenses (« Contain », « I’m Not There »). Le ton est plus grave, l’ambiance plus sombre, proche d’univers qu’on retrouve chez des artistes comme Angel Olsen ou Perfume Genius. Mais surtout, la production est une nouvelle fois formidable et la voix de de Graaf a toujours ce petit quelque chose d’envoûtant.
Desire, I Want to Turn Into You – Caroline Polachek
2023 semble bien parti pour appartenir à Caroline Polachek. L’ex-Chairlift, qui compte désormais pas mal d’années au compteur de sa carrière solo, revient avec Desire, I Want to Turn Into You. Animée par le besoin d’explorer l’amour sous toutes ses facettes, l’album cimente définitivement Polachek comme une artiste ancrée dans son époque et toujours insaisissable, changeant de direction quand on l’attend ailleurs. Capable de basculer aussi bien dans un registre trip hop que flamenco, ce deuxième album de la new yorkaise est avant tout une grande messe pop exigeante. Une rafale de tubes (« Welcome to My Island », « Bunny Is A Rider », « Sunset »…) qui pourrait définitivement braquer les yeux du grand public sur l’artiste, qui s’est jusqu’ici toujours trouvé à l’interstice de l’indé et du mainstream.
Pollen – Tennis
Il y a des formations auxquels on s’habitue un peu trop, qu’on voit passer dans notre feed de manière quasi annuelle. Au point, parfois, de ne plus trop y prêter attention. Comme un élément du décor. Tennis, composé des mariés Alaina Moore et Patrick Riley, a fini par tomber un peu dans cette catégorie là. Ce qui est un peu malheureux car une nouvelle fois, avec Pollen, Tennis prouve une nouvelle fois à quel point ils demeurent des artisans sonores, toujours prêts à offrir leur dizaine de compositions indie pop réjouissantes. Aucune révolution post-Swimmer, donc, et un disque qui hurle un peu trop « on est en couple » sur tous les toits (de la pochette aux lyrics), mais un disque qui n’en demeure pas moins réjouissant de part le plaisir instantané qu’il procure. On reprendra bien une nouvelle dose de « Gibraltar ».
The WAEVE – The WAEVE
Pendant que Blur s’apprête à sortir du formol pour repartir bientôt en tournée, c’est notre cher Graham Coxon, accompagné ici de l’ex-Pipettes Rose Elinor Dougall, qui prennent les devants avec un album commun intitulé tout simplement The WAEVE. Du même nom que ce nouveau duo dont on ignore la couleur sonore en amont, ni ses ambitions à long terme. Quoi qu’il en soit, The WAEVE est définitivement un bol d’air frais pour les deux protagonistes. Des ballades folk, des sorties baroques et des expérimentations synthétiques habitent ce disque sans que l’on sache vraiment sur quel pied danser. Coxon délaisse majoritairement le chant (et tant mieux) à la belle voix trainante de Dougall, pour nous secouer en première partie avant de nous brosser dans le sens du poil petit à petit vers des compositions plus down tempo. Une échappée salvatrice pour les deux intéressés comme pour nous.