Pearl & the Oysters et la Boule Noire résistent à l’envahisseur

C’est presque devenu un acte militant, de maintenir un concert en cette période bien difficile pour la musique live. Malgré les contraintes du format assis et d’une jauge limitée, le concert des voyageurs de Pearl & The Oysters à la Boule Noire à Paris a bien eu lieu. Une petite respiration dans un climat suffocant.

On aurait aimé se dire que c’était derrière nous, que des lendemains meilleurs étaient visibles à l’horizon, confirmant le retour définitif du live. Raté. Nous-y revoilà les pieds dedans. Depuis cet automne, on s’est de nouveau fait à l’idée : les tournées tombent comme des mouches. Ou à défaut, se voient repoussées à des dates insignifiantes. Mais dans ce marasme latent, une (petite) lueur, offerte par la Boule Noire. Alors que le gouvernement rétablissait les concerts en format assis, on ne donnait pourtant pas cher de la programmation de la petite salle voisine de la Cigale. Quand ce ne sont pas les tourneurs qui décalent les tournées pour des raisons sanitaires, ce sont les salles qui prennent la décision de dire stop, pour des raisons économiques évidentes, dans un format à jauge limitée qui ne permet pas d’atteindre un équilibre.

C’est pourtant dans ce contexte que la Boule Noire a bien maintenu un concert que l’on attendait depuis un moment, la venue des Français de Pearl & The Oysters. Le duo de pop cosmique expatrié à Los Angeles, bien trop rare dans son pays d’origine, débarque dans la capitale pour présenter son nouvel album fraîchement pressé en vinyle, Flowerland. Un voyage coloré et dépaysant, comme en atteste sa pochette, vers une planète à la chaleur étouffante et à la faune sauvage. Le duo Juliette Davis et Joachim Polack nous accompagnent dans cette traversée stellaire à coups de bidouillages de claviers et d’harmonies vocales apaisantes. Des envolées à la fois lounge, pop, jazz, psychédéliques, chantées en anglais, qui dénotent d’une ambition certaine, pour un duo déjà bien expérimenté qui a collaboré avec les spécialistes des excursions solaires (Dent May, Alex Brettin de Mild High Club).

C’est donc assis par rangées que nous assistons au retour de nos Français. Difficile de se laisser emporter dans ces conditions, dans une Boule Noire forcément bien moins remplie et bien statique, mais n’oublions pas l’essentiel : ce concert a lieu. Juliette Davis, lors de ses quelques apartés entre chaque titre, est la première à en prendre conscience et à s’en réjouir. Pour le reste, la musique parle d’elle-même. Les compositions de Flowerland prennent une nouvelle ampleur en live et c’est là qu’elles sont le plus appréciables. Accompagné par les membres du groupe Garçons de Plage, le duo s’en donne à coeur joie sur son tableau de bord et au micro, notamment sur les éléments forts « Treasure Island » et « Evening Sun », déjà en boucle sur nos enceintes depuis la sortie de l’album en septembre dernier. On aimerait prolonger le rêve sur ces airs de flûte, mais c’est malheureusement au bout de quarante petites minutes que l’histoire prend fin.

Que dire, que retenir ? Avant tout l’indéniable chance d’avoir pu assister aux escapades oniriques de Pearl & the Oysters, dans un contexte anxiogène où l’on aurait pas misé une pièce sur le maintien de cette date. Un grand merci au groupe ainsi qu’à la Boule Noire, donc, quand on sait la difficulté et la risque que représente de tenir un concert en pleine vague Covid. Mention également à Niva Savary en première partie, une belle ouverture qui mériterait qu’on s’attarde sur son premier album Next Level Soap Opera, ainsi qu’à Flora Benguigui (L’Impératrice) venue chauffer la salle aux platines avec un mix funk/soul très efficace. Et bien sûr, filez écouter Flowerland si ce n’est pas déjà fait. Une des belles réussites de 2021.